Urania Ligustica

Astronomi del Re

Gio. Domenico Cassini

Autobiografia (1810) 1

Astronomi del Re


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ANECDOTES DE LA VIE DE J.-D. CASSINI,
Rapportées par lui-même.


Nous avons pensé que cette vie de J.-D. Cassini, écrite par lui-même, serait lue avec intérêt. Elle renferme une multitude de citations d'ouvrages et de noms d'un grand nombre de savans et de personnages marquans en Italie vers le milieu du dix-septième siècle. On y trouvera aussi plusieurs anecdotes relatives aux sciences , et à la considération dont jouissaient alors ceux qui s'y distinguaient. A la vérité, on n'écoute souvent qu'avec défaveur un auteur qui parle de lui-même; mais lorsqu'on verra un savant modeste exposer avec simplicité ses travaux comme s'il exposait ceux des autres, quand on l'entendra donner à chaque instant des témoignages d'une estime et d'une amitié franches envers tous les savans ses contemporains avec qui il était intimement lié, on ne pourra s'empêcher de s'intéressera lui, et l'on concevra sur-tout une grande idée de l'excellent esprit qui régnait entre les savans de ces tems-là; esprit, au reste, qui se perpétue encore aujourd'hui parmi ceux-là qui s'occupent uniquement de la recherche des vérités. Voilà sans doute les sentimens qui résulteront de la lecture de ces anecdotes que plusieurs personnes nous engageaient depuis long-tems à faire imprimer, comme ne pouvant que fa-ire honneur aux sciences et à ceux qui les cultivent.1


Je suis né le 8 juin de l'année 1625, et non en 1623, comme le prétend l'abbé Giustiniani dans son ouvrage degli Scrittori liguri (Roma, 1667, page 358). Ma patrie est Perinaldo, appelée anciennement Podium Reinaldi, en français Pec-Regnault. Ce lieu était autrefois dépendant de la Provence.

Mon père avait un frère aîné qui avait épousé la sœur de ma mère. Cet oncle n'ayant point d'enfans me regardait comme son propre fils et voulait se charger de mon éducation: mais ma mère lui connaissant des sentimens différens des siens, aima mieux me confier à un frère qu'elle avait. J'allai donc demeurer chez cet oncle maternel, qui me donna un [<255-256>] précepteur pour m'instruire dans les lettres; mais ayant bientôt reconnu que cet homme n'était guère capable de me faire faire de grands progrès et de seconder les heureuses dispositions que j'annonçais, il m'envoya à Vallebonne, sous la discipline de J. F. Aprosio, docteur en droit et rhéteur fort habile. Je demeurai deux ans a Vallebonne. Au bout de ce tems, je partis pour Gênes, et j'entrai au collége des Jésuites, sous le père Caselli, qui fut depuis missionnaire aux Indes Orientales.

Ayant entendu dans l'église de Saint-Ambroise un panégyrique de Saint-François Xavier, j'en traduisis les plus beaux morceaux en vers latins; ce qui me mérita d'être nommé le prince des poetes de ma classe, conjointement avec un autre écolier dont le père avait une grande autorité dans la République; mais, m'étant brouillé avec ce jeune homme, je perdis ma dignité.

Je passai en rhétorique sous le père Alberti, connu par ses ouvrages. Ce régent, me voyant quelques dispositions pour la poésie, m'exerça à faire des vers sur le voyage des Mages à Jérusalem et à Bethléem, ainsi que sur les prérogatives de la ville de Gênes.

J'étudiai ensuite la philosophie et la théologie sous le père Ghiringuelli: mais en même tems, j'allais quelquefois entendre aux Dominicains le père Gentile, et aux Théatins le père Dadiesse, qui professaient la même classe. Les principes du père Gentile étaient conformes à ceux de Saint-Thomas, et différaient en quelque sorte de ceux de Suarès de Vasques, et d'autres jésuites que j'avais étudiés. Comme en argumentant, je cherchais toujours à soutenir les opinions de ces premiers maîtres, le père Gentile me conseilla fort de m'en tenir là, et de ne pas trop m'arrêter à disputer sur de petites différences d'opinions. Je suivis son conseil et me bornai aux [<256-257>] leçons des jésuites. Je soutins publiquement dans diverses thèses la doctrine particulière de mes maîtres, et particulièrement celle du cardinal Lugo. Une fois, entr'autres, j'argumentai très-vivement pour la défense de ces doctrines en présence du cardinal Durazzo, archevêque de Gênes.

Il y avait alors au collége des Jésuites une leçon extraordinaire de mathématiques. L'évidence que je trouvais dans les principes de cette science, me la faisait préférer à toute autre; aussi j'y donnais tout le tems que me laissaient ces thèses publiques qu'on ne m'obligeait que trop souvent de soutenir. C'est surtout chez l'abbé Doria que j'eus l'occasion de me livrer plus librement à cette étude. Ce prélat, ayant entendu parler de moi, désira m'avoir chez lui, et me conduisit à son abbaye de S. Fructuose. Dans cette solitude, j'étudiai les èlémens d'Euclide; et le père Reineri, olivétain, ayant publié ses Tables médicées, je me mis à étudier le calcul des Tables alphonsines, rudolphines et autres dont je m'étais pourvu avant de venir chez l'abbé Doria. J'entrepris aussi, pendant mon séjour dans cet endroit, d'expliquer à M. Nicole Doria la logique du père Toaldo, qui me parut plus proportionnée à sa capacité que celle d'Aristote qu'on donne dans les écoles.

Une maladie m'obligea d'aller respirer l'air natal. Je retournai à Perinaldo; mais je n'y fis pas un long séjour, étant vivement sollicité, par M. J.-D. Franchi, mon ami, de revenir auprès de lui. Ce M. Franchi était un neveu du père Dadiesse, qui m'avait fait faire connaissance avec lui. Il avait une très-belle maison proche de Sestri di Ponente, où nous allions souvent ensemble en litière. Là, nous nons exercions à soutenir dans une chapelle des thèses où tous les religieux d'alentour étaient invités. Je m'occupais en même tems à faire des extraits d'ouvrages de théologie de divers auteurs dont je comparais les doctrines; et le père Dadiesse [<257-258>] lisait ces extraits au Théatins ses disciples. Ce fut alors qu'à l'instigation de ce religieux qui méritait toute ma confiance, et par déférence pour une de ses sœurs, Angela Gabriela, religieuse au couvent des Cordelières, je me chargeai de composer en vers italiens une tragédie de Saint-Alexis, pour être représentée dans le couvent. J'imitai dans cet ouvrage la tragédie d'Alcine, de Fulvio Testi. Les bonnes religieuses ne se contentèrent pas de représenter ma pièce entr'elles, elles la donnèrent à la grille en habits tragiques , devant plusieurs personnes de marque; ce qui leur attira une forte réprimande de la part du gardien de l'Annonciada, leur directeur. Mais cela ne les empêcha pas de me prier de vouloir bien leur composer une autre tragédie sur Sainte-Catherine; je n'eus ni le tems ni l'envie de les satisfaire. Je composai vers le même tems des vers italiens en l'honneur du doge Giustiniani, que le père Dadiesse fit imprimer, et dont l'abbé Giustiniani parle dans son ouvrage cité ci-dessus.

Quelque réputation acquise dans mes entretiens sur les sciences me procura la connaissance de plusieurs personnes de mérite, entr'autres celle de M. Cosoni, élu depuis cardinal dans la dernière promotion, et celle de M. Scharchafieri, dont la maison était hors de la ville, du côté du levant. Nousy allions souvent, et là nous nous exercions à improviser et à discourir sur des sujets proposés, la plupart de morale. Le père Bianchi, jésuite, ayant publié sous le nom de Candidus Philalethes un livre dans lequel il enseignait qu'en matière de morale on est obligé de rejeter l'opinion la moins probable pour suivre la plus probable, plusieurs théologiens soutenaient qu'il suffisait qu'une opinion eût quelque probabilité, pour que l'on fut maître de l'adopter préférablement à d'autres plus probables encore. Tel fut l'avis du père Stefano Spinola, qui fut depuis évêque de Savonne. Cette question fut fort [<258-259>] agitée entre nous; j'étais d'avis d'adopter préférablement l'opinion la plus probable: ce parti me paraissait le plus prudent. J'avais pour moi le sentiment de Merenda, premier professeur de droit dans l'Université de Bologne. Je disputai souvent contre M. Lercaro, qui était de l'avis contraire. Au reste, dans ces sortes de matières, il est de la prudence de ne point trop se fier à soi-même, et de soumettre son jugement aux personnes plus éclairées que nous.

Nos conférences avec MM. Cosoni et Scharchafieri ne cessèrent qu'à l'occasion de l'étroite connaissance et amitié que je liai avec Monseigneur François-Marie-Imperiale Lercaro. Les qualités et la solidité de son esprit donnaient à prévoir qu'il parviendrait un jour aux premières dignités de la République. En effet, il fut depuis élu doge en 1683, et envoyé avec trois sénateurs près de S. M. Louis XIV, au sujet de quelques mécontentemens que ce prince avait eus de la République. M. Lercaro s'acquitta de cette commission avec une sagesse et une adresse qui lui méritèrent l'estime et la reconnaissance des deux partis. C'est dans cette occasion que, me trouvant alors en France, je lui rendis le service de faire près de lui les fonctions de secrétaire d'ambassade à la place de M. Salvago, qui était alors en Angleterre, et qui ne put venir à tems pour remplir cette place.

M. Lercaro, ayant eu communication de quelques calculs que j'avais faits et tirés des tables de Reineri, désira infiniment m'attirer auprès de lui; et ayant appris que j'avais passé quelque tems a la campagne, chez M. l'abbé Doria, chez M. Franchi, il m'engagea à venir chez lui et à l'accompagner dans ses terres sur les frontières de la Lombardie; j'y consentis. Ce seigneur était d'une grande vivacité d'esprit, fort ardent dans les disputes de philosophie et de théologie, sur lesquelles nous nous exercions souvent. Ce fut dans ce voyage [<259-260>] que je fis connaissance avec un ecclésiastique, originaire de l'ile de Corse, qui avait plusieurs livres d'astrologie. Il m'en prêta quelques-uns dont je m'amusai à faire des extraits, que j'ai depuis consignés par scrupule (1) [ Ce scrupule de J.-D. Cassini, à l'âge de 2I ans, tenait à un esprit religieux qu'il conserva depuis sa plus tendre jeunesse jusqu'à la fin de sa longue carrière. Devenn aveugle à 85 ans, et ne pouvant plus tenir registre de la marche ef de$ positions des astres , il dictait, tous les jours en se couchant a un secrétaire, un compte exact de ses propres actions et de ses pensée» de la journée. Ce journal existe encore parmi ses manuscrits ; c'est là que l'on trouve les témoignages de la piété la plus profonde, et d'une fréquente méditation sur l'a lecture des livre* saints. On y voit aussi que c'est au mois de mars 1711 que l'auteur dieta les notes sur ses découvertes, que l'on trouvera à la suite de ces anecdotes qui ont sans doute été écrites vers le même tems, sur la. demande que lui en avaient faite quelques amis , ainsi qu'il le dit lui-même dans le jonmal précité ] entre les mains de M. J.-B. Spinola Somasque. Ayant fait l'expérience d'une méthode astrologique très-fautive, et qui cependant avait très-bien réussi, je soupçonnai que le hasard seul avait pu justifier la prédiction ; et ayant lu attentivement le bel ouvrage de Pic de la Mirandole contre les astrologues, je vis qu'il n'y avait rien de solide dans leurs règles, et qu'il n'y avait que l'astronomie qui méritait de l'attention (2) [ L'on voit., par ce passage, que J.-D. Cassini ne s'occupa qu'un instant d'astrologie , et qu'il en reconnut aussitôt l'extravagance ] . A mon retour, je fis part de mes réflexions à plusieurs de mes amis, mais je ne pus persuader le plus grand nombre, trop prévenu en faveur de l'astrologie judiciaire (3) [ II paraît qu'a cette époque, en 1646, il y avait encore en Italie beaucoup de partisans du l'astrologie ] . Ce qui donna lieu au père Noceto, jesuite et théologien du Sénat de Gênes, de combattre cette vaine science dans des sermons qu'il fit à Saint-Ambroise. Il y réfuta particulièrement les prédictions que publiait tous les ans en forme d'almanach un certain [<260-261>] Thomas Oderigo, gentilhomme de Gênes, doiitles connaissances astrologiques venaient d'essuyer un cruel affront, qu'avait précédé un grand triomphe. En effet, une tempête prédite dans un de ces almanachs arriva ponctuellement au jour marqué ; elle fut si furieuse qu'un grand nombre de personnes courut aux églises pour se préparer à la mort. Mais il fit le tems le plus calme un autre jour pour lequel le même alinanach avait prédit une semblable tempête, dont l'attente avait donné lieu à un grand nombre de particuliers de déserter la ville de Gênes, de peur d'être ensevelis sous ses ruines. Le père Noceto profita de ce contre-tems pour confondre son adversaire. Celui-ci, très-irrité, publia contre le jésuite un ouvrage intitulé il Cielo aperto, pour lequel le Sénat fit enfermer l'auteur dans la tour du palais. Le père Noceto .répondit par une satire en vers italiens, qui commençait ainsi:

Il cielo aperto a chiuso
Il suo spalencatore

et dont il envoya deux exemplaires aux pères Riccioli et Grimaldi. Mais ceux-ci n'approuvèrent point cette conduite, disant, comme Kepler, qu'on peut tolérer qu'une fille folle comme l'astrologie nourrisse une mère sage comme l'astronomie , et que si le public était persuadé de la vanité de l'astrologie, les livres d'astronomie n'auraient plus de débit. De retour à Gênes, je suivis, à l'instigation de M. Lercaro, les leçons de droit que le docteur Lomellino donnait à plusieurs gentilshommes. Je lisais en même tems les ouvrages de Messinger et ceux ROinoctrinus, dont la méthode me paraissait très-belle. C'est sur ces entrefaites que l'on m'offrit à Gènes un parti très-avantageux $ mais M. Lercaro me conseilla d'attendre un âge plus avancé. Je fis alors .connaissance avec le sénateur Bagliani,"auteur de plusieurs beaux ouvrages [<261-262>] de mathématiques et de physique. Il me fit voir un sextant astronomique que Tycho-Brahé avait fait faire pour Magini, par un ouvrier qu'il lui envoya exprès de Danemarck. Cet ouvrier ne fut pas plutôt parti que Magini vendit l'instrument.

Le pape Innocent X se préparant à tirer vengeance contre le duc de Parme de la mort d'un prélat envoyé pounévéque à Castro contre la volonté de ce prince, il fit venir de Génes à Bologne Octavien Sauli ^ pour lui donner le commandement de ses troupes. Les amis de Sauli m'ayant demandé ce que je pensais du succès de sa commission, je répondis ce qui me parut pour lors le plus vraisemblable, que Sauli serait vainqueur. Ce général, instruit et flatté de cette réponse, pensant d'ailleurs qu'elle était fondée sur des connaissances astrologique^, imagina, pour me rendre service, de parler de moi très-avantageusement à Bologne, et sur-tout au marquis Malvasia, sénateur fort attaché à l'astrologie. Celui-ci, sur ce témoignage, devint très-empressé de me connaître, et pria le général Sauli de m'inviter de sa part a me rendre à Bologne, en me donnant l'espérance de me faire obtenir une place dans la célèbre Université de cette ville. L'envie d'apprendre quelques autres parties des sciences qu'on n'enseignait point à Génes, et particulièrement la médecine, dont il y avait de Bavans professeurs à Bologne, me fit accepter avec joie la proposition du marquis Malvasia.

Je partis de Génes où j'avais eu l'honneur d'être agrégé par le Sénat au nombre des citoyens, et je me rendis à Bologne.

[<262-263>]
[<263-264>]
[<264-265>]
[COMPLETARE!]

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1 G. D. Cassini, "Anecdotes de la vie de J. D. Cassini rapportées par lui même", in Mémoires pour servir à l'histoire des sciences et a celle de l'Observatoire Royal de Paris, suivis de la vie de J.-D. Cassini, ecrite par lui-meme, et des eloges de plusieurs Academiciens morts pendant la Revolution, di J.-D. Cassini (Parigi, Bleuet, successore di Jombert, 1810), pp. 255-309. L'opera è integralmente disponibile in Link esterno Google libri (per British Library).

L'autobiografia ha una nota, qui usata come premessa, al pie' della prima pagina; le altre poche note a pie' di pagina sono state inserite nel testo fra parentesi quadre, in nero: sono tutte dovute a Cassini III.

Queste memorie saranno commentate nell'ambito della Vita.



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